La révolution de l’ARN Messager en 10 points
La révolution de l’ARN Messager, a non seulement permis le développement du vaccin Anti-Covid 19 , mais a aussi montré des perspectives prometteuses de développement de thérapies innovantes dans un éventail de maladies, telles que : Le cancer, le SIDA, les maladies auto-immunes, les maladies dégénératives … etc
1. La mise au point accélérée d’un vaccin anti-Covid à base d’ARN messager a stupéfié le monde entier. Cette technologie pourrait soigner d’autres maladies mortelles comme le VIH ou le cancer. Des essais cliniques sont déjà en cours. L’ARN messager, rappelons-le, a été découvert des 1961 à l’Institut Pasteur par François Jacob et François Gros
2. Leurs inventeurs du vaccin anti-Covid à base d’ARN messager : L’allemand BioNTech (en partenariat avec l’américain Pfizer) et l’américain Moderna ont réussi une prouesse inouïe : lancer, en moins d’un an, un nouveau vaccin, tâche que les champions du secteur mettaient jusqu’ici cinq à dix années à accomplir avec des méthodes traditionnelles. Hier start-up sans produit homologué, ces deux sociétés de biotechnologie sont instantanément devenues les stars de l’industrie pharmaceutique mondiale.
3. La technologie ARNm fait actuellement l’objet d’innombrables essais précliniques (in vitro et sur des cobayes animaux) ainsi que de plus de 140 essais cliniques (sur l’homme), dans des aires thérapeutiques aussi diverses que les maladies infectieuses, le cancer, les maladies rares, les maladies auto-immunes ou la médecine régénératrice.
4. Les espoirs placés dans l’ARNm sont liés à la manière dont il fonctionne. L’ARNm est une molécule d’information éphémère qui joue un rôle fondamental dans la biologie de notre organisme. Sa fonction ? Copier les instructions stockées dans notre code génétique (ou ADN) et les transférer aux cellules pour leur faire fabriquer les protéines nécessaires au bon fonctionnement de presque toutes nos fonctions biologiques.
5. Les chercheurs ont su, dès la publication du code génétique du virus Sars-CoV-2 en janvier 2020, que c’était la protéine Spike – un anti- gène déjà bien identifié depuis le début des années 2000 – qui lui servait de clé pour nous infecter. BioNTech et Moderna ont alors instantanément conçu, sur ordinateur, des molécules d’ARNm capables d’ordonner à nos cellules de fabriquer Spike. Le système immunitaire de la personne vaccinée, identifiant ce Spike ennemi, se met instantanément à produire des anticorps spécifiques. Et cette armée de réserve, qui garde l’identité de l’intrus en mémoire, est ensuite capable de résister en cas d’attaque du coronavirus.
6. L’ARNm est extrêmement instable, à peine la molécule a-t-elle pénétré l’organisme, qu’elle est très vite dégradée par des enzymes appelées “RNase”. Un moyen de défense naturel contre les virus à ARN. Katalin Kariko et Drew Weissman font en 2005, une découverte qui leur vaudra peut-être un prix Nobel. En modifiant deux lettres de l’ARNm, ils lui confèrent une espèce de cape d’in- visibilité qui l’empêche de se faire détruire. Moderna et BioNTech ont d’ailleurs tous deux acquis le brevet basé sur ces travaux. Ceci consiste à enrober l’ARNm d’une enveloppe de nanoparticules lipidiques qui a trois fonctions : le protéger, l’amener à destination et lui permettre de franchir la membrane cellulaire pour donner ses instructions aux ribosomes (les machines à produire les protéines). En d’autres termes, nous voilà avec un ARNm de synthèse, entièrement conçu par l’homme, était dès lors capable de pirater le langage de notre corps pour le transformer en usine à médicaments. Cela ouvrait théoriquement une voie pour désarmer les virus, corriger les erreurs dues aux mutations de l’ADN, stimuler ou calmer le système immunitaire. Voire influer sur la différenciation des cellu les souches de notre moelle épinière qui peuvent ensuite devenir des cellules spécialisées, neuronales, hépatiques etc…
7. Les perspectives de développement de thérapies innovantes sont immenses, ainsi, on va pouvoir faire des médicaments qui sont infaisables avec les technologies existantes. Le meilleur exemple, c’est le produit en essais cliniques de phase II en cardiologie en co-développement entre la biotech américaine Moderna et AstraZeneca : un ARNm codant pour la protéine VEGF. Il est injecté en une seule fois dans le cœur des patients, moins de quarante-huit heures après qu’ils ont fait un infarctus. Le VEGF, c’est un facteur de croissance codé dans notre ADN, que notre corps utilise quand nous nous coupons et que nous saignons. Quand le sang sort des tuyaux, le corps à l’endroit de la coupure sécrète cette protéine. Elle agit alors comme un petit drapeau qui alerte vos cellules souches dans la moelle épinière, qui se différencient pour fabriquer de nouveaux vaisseaux sanguins. L’objectif de ce médicament, c’est de revasculariser le tissu musculaire cardiaque. Ce produit permet effectivement d’augmenter la pression du débit sanguin. Les études ont aussi montré que, dans le cochon, ce médicament pouvait restaurer la capacité du cœur à pomper du sang au niveau pré-crise cardiaque.
8. En mars, Özlem Türeci, la cofondatrice de BioNTech, annonçait même à The Associated Presse que le cancer serait la prochaine cible de l’ARN messager. C’est d’ailleurs sa société qui mène aujourd’hui la recherche la plus avancée dans ce domaine, en phase II, pour soigner le mélanome. A priori, ces progrès pour- raient s’appliquer à tout type de cancer. Pou- mon, ovaire, col de l’utérus, rein… Une trentaine d’essais sont menés dans le monde.
9. Cette troisième piqûre protègera-t-elle contre tous les variants ? 3 stratégies sont en cours d’évaluation selon Stéphane Bancel, PDG de la biotech américaine Moderna : Premièrement, un rappel avec le vaccin existant ; deuxièmement, un rappel avec un vaccin adapté à la souche d’Afrique du Sud ; troisièmement, un rappel avec un mélange de ces deux ARNm différents. Il affirme qu’une demande d’autorisation, sera déposée pour le produit qui se révélera le plus efficace
10. Des recherches sont lancées dans les maladies auto-immunes – lupus, maladie de Crohn, arthrite, etc….Stéphane Bancel, PDG de la biotech américaine Moderna pense qu’on sera capable de restaurer la balance naturelle, en calmant un système immunitaire qui s’est emballé. On a d’autres types d’applications qui ont obtenu de très bons résultats en préclinique : on travaille notamment avec l’amé- ricain Vertex, leader mondial sur la mucoviscidose, pour délivrer de l’ARNm via un aérosol dans les cellules du poumon. Si ça marchait, cela pourrait nous permettre d’intervenir sur d’autres maladies du pou- mon : cancer, maladies respiratoires…A moyen terme, la technique de l’ARNm peut ouvrir un énorme champ en médecine régénérative. Via une piqûre en intraveineuse, on amène de l’ARNm dans les cellules souches de la moelle épinière. L’idée est d’induire à la demande la manière dont elles se différencient. Avec en perspective des traitements sur des maladies comme Alzheimer ou la sclérose en plaques. Mais aussi la régénération d’organes abîmés, comme le foie ou le pancréas.
(*) Source : L’OBS, Cahier numéro un de l’édition n° 2961 du 22 au 28 juillet 2021