Les enjeux de l’anesthésie-réanimation en Algérie : Entretien avec Dr Bouarroudj Noreddine
Défis et perspectives de l’anesthésie-réanimation : entretien avec le Dr Bouarroudj Noreddine
Dans cet entretien exclusif, le Dr Bouarroudj Noreddine, médecin anesthésiste et réanimateur à la Clinique Maissalyne de Constantine, fondateur d’Anesthésie Club, directeur de la Formation Médicale Continue de l’AFSRA dans les pays francophones (Société Africaine d’Anesthésie régionale) et auteur du livre : «Pocus in critical care, Anesthesia and Emergency Medicine », a détaillé la réalité de la spécialité de l’anesthésie-réanimation en Algérie, ses défis, ses perspectives, les problèmes rencontrés sur le terrain par les professionnels du secteur…
Pouvez-vous préciser la nature de l’activité d’Anesthésie Club ?
Le « Club d’anesthésie » est une société dédiée à la promotion et à l’avancement du domaine de l’anesthésie, de la réanimation et du traitement de la douleur. Le club sert de plateforme aux anesthésistes, réanimateurs et aux médecins spécialistes de la douleur pour collaborer, partager des connaissances et défendre les normes les plus élevées de soins aux patients en anesthésie. Les principaux objectifs du « Club d’anesthésie » sont les suivants : Éducation et formation, Recherche et innovation, Réseautage et collaboration, Sécurité des patients et Sensibilisation du public.
Quels types de formations que votre organisme propose et s’adressent à qui plus précisément ?
Le Club s’engage à offrir à ses membres des opportunités de formation continue et de développement professionnel. Cela comprend l’organisation de congrès, de Masterclasses, de Séminaires, d’Ateliers (Workshops et Hands-On), de Conférences de Stages et de Webinaires où les médecins peuvent approfondir leurs connaissances et compétences et se tenir au courant des dernières avancées dans la pratique de l’anesthésie. Les formations ne s’adressent pas uniquement aux médecins anesthésistes réanimateurs mais également aux orthopédistes, chirurgiens, Rhumatologues et médecins rééducateurs.
Le « Club d’anesthésie » assure plusieurs formations dont la gestion de la voie aérienne difficile, anesthésie régionale et gestion de la douleur, pocus en réanimation et médecine d’urgence et la neuro-réanimation.
Quelle est la place qu’occupe la spécialité de l’anesthésie dans le processus de soins ?
L’anesthésie réanimation est une spécialité qui couvre à la fois l’anesthésie, la réanimation et le traitement de la douleur. Les médecins Anesthésiologistes sont des médecins hautement qualifiés qui ont entre 12 000 et 16 000 heures de formation clinique en anesthésie en douleur et en réanimation (données de l’ASA : American Society of anesthesiology). Leur formation médicale très longue de 12 à 14 années après le BAC couvre l’anatomie, la physiologie et la physiopathologie de tous les systèmes (nerveux, digestif, cardio-vasculaire, pulmonaire etc…) les préparant ainsi à diagnostiquer, traiter et gérer tout un éventail de problèmes médicaux. Actuellement au sein de la communauté scientifique médicale, le médecin anesthésiste-réanimateur est considéré comme le pilier d’une équipe pluridisciplinaire ayant un grand niveau d’expertise. Ce niveau d’expertise est singulièrement vaste pour une spécialité médicale ! Les Anesthésiologistes dispensent activement des soins dans presque tout l’échiquier du système médical : ambulances et médecine préhospitalière, salle d’opération, salle d’accouchement, service de chirurgie, service de médecine, unité de soins intensifs, service d’urgence, secteur privé … et j’en passe ! Autant de champs d’expertises qui donnent le tournis et qui offrent de nombreuses perspectives de carrières et de sous spécialisation.
Nous citons entre autres l’anesthésie réanimation cardiothoracique, l’anesthésie réanimation en orthopédie, l’anesthésie réanimation en neurochirurgie, réanimation médicale, réanimation chirurgicale, le traitement interventionnel de la douleur, anesthésie régionale, anesthésie réanimation en obstétrique, anesthésie de la tête et du cou, anesthésie réanimation en transplantation, anesthésie réanimation en pédiatrie et anesthésie réanimation en chirurgie bariatrique. Mais les choses ne semblent pas s’arrêter là !
Quels sont les problèmes auxquels font face les anesthésistes et les réanimateurs ? Avez-vous des propositions pour y remédier ?
Les anesthésistes-réanimateurs sont quotidiennement confrontés à une multitude défis.
- Collaboration interdisciplinaire : comme nous l’avions souligné précédemment, les anesthésistes-réanimateurs, travaillent toujours en étroite collaboration avec d’autres professionnels de la santé (chirurgiens visceralistes, orthopédistes, ORL, ophtalmologistes, Gynecologues etc …). Une communication efficace et une coordination des soins sont essentielles pour assurer le bien-être des patients. Pour cela, il est impératif d’avoir des compétences avérées en communication.
- Gestion des risques et sécurité des patients : L’anesthésie et la réanimation sont des domaines où la sécurité des patients est primordiale. Les anesthésistes-réanimateurs doivent constamment évaluer et gérer les risques liés à la procédure, ainsi que les complications potentielles.
- Pénurie de personnel : Dans de nombreux pays, il existe une pénurie d’anesthésistes-réanimateurs qualifiés, ce qui peut entraîner une charge de travail excessive pour ceux en exercice et une difficulté à pourvoir les postes vacants.
- Technologie et équipement : La technologie médicale évolue rapidement, et les anesthésistes-réanimateurs doivent rester à jour sur les dernières avancées en matière d’équipement et de techniques pour assurer des soins optimaux à leurs patients.
- Gestion de la douleur : L’analgésie est une partie importante de la pratique anesthésique, et les anesthésistes-réanimateurs doivent être compétents dans la gestion de la douleur avant, pendant et après les interventions chirurgicales ou les procédures médicales.
- Stress et épuisement professionnel : La nature exigeante et souvent intense du travail en anesthésie et réanimation peut entraîner un stress et un épuisement professionnel chez les praticiens le fameux Burn-Out Syndrome. Il est important pour les anesthésistes-réanimateurs de prendre soin d’eux-mêmes et de trouver un équilibre entre leur travail et leur vie personnelle pour éviter le burn-out.
Comment améliorer la pratique liée à l’anesthésie et rattraper le retard par rapport à ce qui se fait notamment au niveau des pays développés ?
Plusieurs solutions peuvent être envisagées :
1. La Formation Médicale Continue : Il faut assurer aux médecins anesthésistes une formation continue de haute qualité pour qu’ils puissent se mettre à jour sur les dernières techniques, technologies et meilleures pratiques. Les formations doivent être accréditées ce qui est un gage de qualité comme cela se fait en Europe. Enfin la formation médicale continue doit être obligatoire et annuelle pour tout le corps médical. 2. Utilisation de techniques nouvelles et de technologies avancées : Il est impératif d’inclure les dernières avancées technologiques telles que les monitors de surveillance avancée, les techniques d’analgésie locorégionale, et les méthodes d’administration d’anesthésie à base de dispositifs à la fine pointe de la technologie. 3. Protocoles et recommandations : Il faut élaborer des protocoles standardisés et des recommandations d’experts pour garantir une approche cohérente et sécurisée de l’anesthésie. Ces protocoles doivent être basés sur les niveaux de preuves scientifiques. 4. Évaluation régulière des performances pour identifier les domaines à améliorer et mettre en œuvre des mesures correctives appropriées. 5. Innovation et recherche : l’innovation et la recherche dans le domaine de l’anesthésie doivent être encouragées afin de mettre au point de nouvelles techniques, médicaments et approches qui pourraient améliorer la prise en charge des patients.
Les produits et médicaments utilisés en anesthésie et réanimation sont-ils disponibles et ne font pas l’objet de pénuries pendant certaines périodes ?
La pénurie de médicaments, en particulier d’anesthésiques, est désormais devenue un phénomène mondial. L’avènement de la pandémie de Covid-19 a accentué sensiblement ce phénomène. Plusieurs facteurs intriqués l’expliquent : la rupture de la chaîne d’approvisionnement, l’augmentation de la demande, la production limitée, la spéculation et le stockage. Tous ces facteurs ont été accentués par la crise sanitaire mondiale provoquée par le Covid-19.
Entretien réalisé par Karim Yahyaoui