Vers une sécurité pharmaceutique en Afrique : Dr Kerrar formule des recommandations

C’est à coup sûr une des manifestations économiques majeures du continent africain qui vient de s’achever, à la faveur de ce 23e Forum pharmaceutique international qui s’est tenu à Lomé, au Togo, du 3 au 6 juillet 2024. Notre pays y était représenté, notons-le, par le Président de l’UNOP (Union nationale des opérateurs de la pharmacie), Dr Abdelouahed Kerrar. La communication qu’il y a présentée, sous le thème des « Enjeux et de la Stratégie de la Sécurité Pharmaceutique en Afrique » aura été particulièrement remarquée.
Défis de la sécurité pharmaceutique en Afrique
Les défis de la sécurité pharmaceutique et de la prise en charge sanitaire, au niveau de notre continent, sont en effet nombreux et redoutables. Il a indiqué au début de sa présentation que le continent africain fait face à de nombreux défis en termes de sécurité pharmaceutique et de prise en charge sanitaire.
Le citoyen africain est aujourd’hui confronté aux coûts très élevés des prestations en matière de santé, au manque cruel de médicaments ou à leur inaccessibilité.
La situation est tout à fait critique pour les populations les plus vulnérables, ainsi que l’illustrent parfaitement les statistiques les plus récentes de l’OMS – Organisation mondiale de la santé.
Dans ce contexte, le Dr Kerrar a ainsi rappelé que, malgré la jeunesse de sa population, 25 % des malades dans le monde se trouvent en Afrique.
Il a fait observer que notre continent produit actuellement moins de 2 % des médicaments consommés par ses citoyens et ne bénéficie que de 1,3 % des ressources financières mondiales consacrées à la santé.
L’importation de produits pharmaceutiques met à rude épreuve les équilibres de son commerce extérieur. « Le déficit de la balance des échanges pharmaceutiques reste fortement déséquilibré en Afrique », a-t-il ajouté, tout en soulignant que les dépenses pharmaceutiques varient considérablement entre les pays du continent.

Nécessité du développement des industries pharmaceutiques locales
Aussi, le président de l’UNOP a mis en exergue la nécessité d’encourager le développement des industries pharmaceutiques locales. Certes, les pays africains sont nombreux à bénéficier d’aides et de dons en provenance de la communauté internationale, mais ceux-ci ne font que perpétuer une dépendance préjudiciable et ne sauraient, en tout état de cause, constituer une solution pour l’avenir.
Tous les médicaments essentiels aux soins de base des populations africaines sont des génériques tombés depuis longtemps dans le domaine public et sont relativement aisés à fabriquer sur le continent-même, à des coûts très bas.
Cette industrie pharmaceutique, en plus d’être une source importante d’emplois hautement qualifiés pour les jeunes universitaires africains, permettraient aux différents pays de répondre durablement et efficacement aux besoins de santé de leurs citoyens. « L’Afrique représente une opportunité de marché importante à long terme, et son industrie pharmaceutique est tout à fait prête à emprunter le chemin d’une croissance forte et durable « , a-t-il affirmé.
En termes de perspectives et aux yeux du Dr Kerrar, les priorités de l’action publique des Etats africains en matière pharmaceutique, sont bien connues et balisées. Elles s’articulent autour des cinq axes suivants :
(i)- Faciliter l’accès aux soins de santé universels et s’assurer que tous les citoyens africains aient accès aux soins de santé de base .
(ii)- Encourager le développement de la production locale de médicaments pour réduire la dépendance aux importations .
(iii)- Mettre en place un environnement réglementaire strict qui veille et garantisse en permanence la qualité des produits mis sur le marché .
(iv)- Établir un partenariat entre les entreprises pharmaceutiques et les centres universitaires, de sorte à stimuler l’innovation et la recherche – développement sur le marché interne .
(v)- S’appuyer, enfin, sur des partenariats interafricains et sur la coopération entre les pays africains pour partager les ressources et les connaissances.

Le modèle algérien en exemple pour l’Afrique
La communication du Dr Kerrar a été grandement appréciée par le public présent et a suscité des débats d’une haute teneur. Les participants ont salué l’extrême sensibilité des sujets abordés et la profondeur de l’analyse présentée.
Ils ont reconnu la valeur et la pertinence des solutions pratiques proposées pour surmonter les défis de la sécurité pharmaceutique en Afrique.
Il faut souligner, à cet égard, que le Dr Kerrar a clôturé sa présentation par un bref aperçu de l’expérience initiée par l’Algérie aux fins de promouvoir sa propre industrie pharmaceutique locale.
Il a souligné les différentes mesures prises en ce sens par le gouvernement, telles que : la priorité d’enregistrement donnée à la fabrication locale ; les incitations fiscales et parafiscales substantielles ; la régulation et l’encadrement stricts de l’importation de produits pharmaceutiques et la majoration dans le remboursement par les caisses de Sécurité Sociale pour les produits génériques et/ou produits fabriqués localement.
« Les résultats concrets obtenus par l’Algérie en font un parfait exemple et un modèle qui pourrait suivi et adapté au contexte particulier de nombreux pays africains. », a-t-il affirmé.
Il a indiqué aussi que le marché pharmaceutique algérien estimé aujourd’hui à quelques 3,3 milliards de dollars, pèse d’un poids significatif. La production locale, qui représentait autour de 15% des mises en marché au début des années 2000, couvre maintenant plus de 71 % des besoins en produits pharmaceutiques et plus de 90 % dans quatre classes thérapeutiques.
C’est là un succès indéniable qui pourrait inspirer très utilement de nombreux pays du continent africain.