L’Université algérienne : Peut-elle encore former une Élite ?

Par Mohamed Tahar Aissani
Introduction
La question de savoir si l’université algérienne forme encore une élite est au centre de nombreux débats académiques et politiques.
Dans un contexte mondial où les universités jouent un rôle clé dans la création de leaders intellectuels, scientifiques et économiques, l’université algérienne est souvent critiquée pour son incapacité à produire une élite comparable à celle des grandes institutions internationales.
Cet article propose d’examiner les défis et opportunités de l’enseignement supérieur algérien et de comprendre dans quelle mesure il contribue à la formation d’une élite nationale.
Le Classement international des universités algériennes
En 2024, plusieurs universités algériennes ont été reconnues dans des classements internationaux comme Webometrics et THE Young, marquant une certaine progression en termes de visibilité et de qualité académique.
Parmi les plus notables, l’Université des Frères Mentouri de Constantine et l’USTHB d’Alger figurent dans ces classements.
Pourtant, aucune université algérienne ne se retrouve dans les classements les plus prestigieux tels que le QS World University Rankings ou le Times Higher Education des 500 premières universités mondiales.
Cela reflète une disparité notable entre l’université algérienne et ses homologues internationales.
L’Université de Harvard, par exemple, ne se distingue pas seulement par ses résultats académiques, mais aussi par sa capacité à former des leaders politiques, économiques et technologiques mondiaux.
L’université algérienne, quant à elle, peine encore à créer un écosystème qui permettrait l’émergence d’une élite compétente et influente.
Les défis structurels : Une formation en crise
Plusieurs défis entravent la formation d’une élite au sein des universités algériennes :
1- Infrastructures et ressources insuffisantes :
Le manque de ressources allouées à l’enseignement supérieur est une réalité qui impacte la qualité de l’éducation. Les infrastructures universitaires ne sont souvent pas à la hauteur des standards internationaux, et les moyens de recherche sont largement sous-financés. Le ratio enseignants-étudiants est disproportionné, avec une moyenne de 1 enseignant pour 30 étudiants, limitant ainsi le suivi pédagogique.
2- Recherche scientifique sous-financée :
Alors que les universités du monde entier investissent massivement dans la recherche pour rester compétitives, les institutions algériennes peinent à rivaliser. Le nombre de publications scientifiques internationales reste faible, et la participation à des projets de recherche de grande envergure est encore limitée.
3- Brain drain :
L’exode des cerveaux continue de priver l’Algérie de ses talents les plus brillants. Chaque année, des milliers d’étudiants et de chercheurs quittent le pays pour des opportunités à l’étranger, laissant l’université nationale avec un déficit en termes de talents.
Des opportunités à saisir pour la transformation
Malgré ces défis, l’université algérienne peut encore se repositionner pour former une élite nationale en relevant certains enjeux majeurs :
1- Modernisation par la digitalisation : L’une des pistes pour améliorer la formation universitaire est la digitalisation des programmes. La création de campus numériques et l’intégration de technologies modernes dans les processus d’enseignement pourraient offrir une meilleure accessibilité et une plus grande flexibilité aux étudiants.
2- Partenariats internationaux : Renforcer les collaborations avec des universités étrangères est essentiel pour permettre à l’Algérie de rattraper son retard. Cela inclut des échanges d’étudiants, des projets de recherche communs et des programmes de formation continue pour les enseignants.
Intégration de la diaspora académique : Une autre piste clé est l’implication plus active de la diaspora académique algérienne, composée de talents qui ont fait leurs preuves dans des institutions de renommée mondiale. En créant des programmes spécifiques pour attirer cette diaspora, l’université algérienne pourrait bénéficier d’expertises internationales, accélérant ainsi son développement scientifique et technologique. L’intégration de ces experts dans des programmes de formation, de mentorat et de recherche serait une réponse au manque de ressources humaines qualifiées au sein des institutions algériennes.
3- Diplomatie universitaire comme outil stratégique : Le rôle de la diplomatie dans le domaine de l’éducation est souvent sous-estimé. Pourtant, l’internationalisation des universités algériennes passe aussi par des efforts diplomatiques persistants. Une politique continue et stratégique visant à établir des relations solides avec des universités de référence dans le monde pourrait permettre de créer de nouvelles opportunités pour les étudiants et enseignants algériens, tant en termes de formation que de recherche. Cela inclut la signature d’accords bilatéraux avec des gouvernements étrangers, l’ouverture de campus algériens à l’étranger, et la facilitation des mobilités internationales.
4- Encourager l’innovation et l’entrepreneuriat : La création d’incubateurs universitaires et de centres d’innovation serait une initiative clé pour stimuler l’esprit d’entreprise parmi les étudiants et chercheurs. Ce modèle pourrait transformer l’université en un véritable acteur économique, générant des projets concrets à impact national.
Conclusion
L’université algérienne, bien que confrontée à de nombreux défis, dispose du potentiel nécessaire pour former une élite nationale.
Cependant, cela nécessite une transformation profonde à plusieurs niveaux, notamment dans la qualité de l’enseignement, de la recherche et dans les infrastructures.
L’intégration de la diaspora académique et l’utilisation de la diplomatie universitaire comme levier stratégique représentent des solutions prometteuses pour repositionner les universités algériennes sur la scène mondiale.
Seule une stratégie cohérente et ambitieuse, soutenue par des réformes structurelles et des investissements accrus, permettra à l’Algérie de produire des élites capables de répondre aux enjeux contemporains.
L’université doit ainsi se réinventer pour devenir non seulement un lieu de savoir, mais aussi un moteur de l’innovation et du développement économique.